Dans le dernier numéro de la revue de l’AFAE :
« La légitimité des enseignants (...) ne peut plus provenir essentiellement d’un capital savoir (...) Elle bascule du côté des compétences essentielles à transmettre aux apprenants : être en capacité de gérer des données exponentielles, analyser les sources, savoir organiser une curation efficace (c’est-dire sélectionner, éditer et partager les contenus les plus pertinents du Web,, maîtriser le processus de construction des connaissances, agir en citoyen dans un monde numérique, mais aussi développer la capacité à rêver, à philosopher ou tout simplement à exister..." C’est ainsi que Marie-Françoise Grouzier (ministère de l’Education nationale) voit évoluer les finalités du système scolaire à l’ère du numérique.
Pour Françoise Martin-Van der Haegen, la rédactrice en chef de la revue de l’Association française des acteurs de l’éducation, on peut en effet se demander ce que « va devenir l’éducation dans une société numérique » et si les innovations introduites ne vont pas provoquer « un séisme tel que toutes les pièces du système, éparpillées, devront être recomposées suivant de nouveaux schémas de pensée ». Et les perspectives ainsi ouvertes « émerveillent ou inquiètent ».
C’est en effet la tonalité générale de ce numéro, avoir conscience de l’importance des mutations en cours, sans naïveté, mais sans céder à la panique ou à la nostalgie d’un monde ancien. Car, quoi qu’il en soit, « le but ultime est de construire une école plus juste ». Et pour cela, il ne suffira pas de « faire la même chose autrement » d’autant que les résultats sont souvent décevants.
La cyber-école vs l’école réelle
« La cyber-école ne donne pas toute satisfaction » si certaines conditions ne sont pas remplies. Il faut notamment que les élèves aient « des interactions directes avec leurs pairs et avec des adultes », faute de quoi ils manquent « de repères pour guider leur apprentissage », d’autant que « le développement social des élèves, que permet la classe réelle dans une école réelle, est indispensable pour le développement cognitif ». Or, « avec la cyber école, aucun stimulus intellectuel, aucune incitation, aucune émulation n’intervient dans la psychologie des élèves, de sorte que le travail leur paraît plus fastidieux, plus rébarbatif et moins intéressant qu’à l’école habituelle », constate Bernard Hugonnier.
Quant à l’ancien président du Conseil supérieur des programmes, il s’inquiète : entre l’ethos (l’image de celui qui produit un discours) et le pathos (l’effet visé sur celui qui le reçoit), quelle place reste-t-il pour le logos, le discours lui-même, s’il est limité à 140 signes ? Pascal Plantard (Rennes-II) s’inquiète aussi, mais du « plan pour le numérique à l’école » annoncé par le président de la République. La question n’est pas, fait-il valoir, l’équipement des élèves, mais de continuer le travail de refondation.
Mise à jour : 26 août 2015